Durant les six mois de l’Expo Milano 2015, les chefs d’Etat et les grandes personnalités du monde entier descendront au Relais Villa Lario, une magnifique demeure à Mandello, au bord du Lac de Côme, tout près de Milan.
Pour l’occasion, le Chef Enrico Derflingher prendra les commandes en cuisine. Natif de la région, à 53 ans, le nouveau Président d’Euro-Toques International (une association de chefs prestigieux fondée par Paul Bocuse et Gualtiero Marchesi) assume un nouveau rôle qui semble être fait sur mesure. Un parcours prodigieux, puisque déjà à 27 ans, il était le Chef personnel de la famille royale d’Angleterre. FineDiningLovers l’a rencontré pour évoquer ses différentes expériences avant d’arriver au Relais Villa Lario.
En quoi votre association est-elle liée à la Villa Lario ? L’établissement fera office de locaux officiels d’Euro-Toques International durant l’Exposition universelle. C’est une villa privée qui date du début du 20ème siècle, entièrement rénovée sur un terrain de 10 000 m2, avec un débarcadère et un héliport. Le restaurant de l’hôtel et cinq nouvelles suites viennent d’être inaugurées. Douze chefs d’Etat sont attendus et la villa sera à leur disposition. En travaillant avec les gens de pouvoir, j’ai appris à être discret; mais je peux vous dire que nous attendons le président François Hollande, le prince William accompagné de Kate Middleton, ainsi que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Nous attendons aussi de nombreuses surprises en provenance des Etats-Unis. Par ailleurs, grâce à une alliance avec Euro-Toques, des chefs étoilés viendront de toute l’Europe et la Villa Lario sera une référence pour la haute cuisine. Et lorsque l’établissement n’accueille pas des invités illustres, l’hôtel et le restaurant restent ouverts au public.
Ce sera un véritable exploit que d’opérer l’association et la villa… L’organisation ne me fait pas peur. Même si je suis un chef créatif, je sais comment gérer l’organisation. Au Japon, j’étais responsable pour plus de 30 restaurants italiens dont l’Armani Ginza Tower à Tokyo.
Une philosophie que vous voulez suivre ? La cuisine contemporaine avec un œil sur l’énergie durable et une utilisation des ingrédients en limitant le gaspillage. Un pari réussi pour les 200 invités de la cérémonie du Prix Nobel lorsque j’ai préparé un plat avec de la carapace de homard, de la peau d’oignon et des têtes de crevettes. Le défi de Joël Robuchon est autant plus d’actualité aujourd’hui, que lorsque j’avais 25 ans et que je travaillais pour lui : il faut éliminer les déchets.
Vous avez été nommé Chef personnel de la famille royale d’Angleterre quand vous étiez très jeune. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ? La nomination m’a surpris et a donné un coup de pouce international à ma carrière. J’étais le premier Chef italien à travailler pour la famille royale, après une longue tradition de Chefs français. Le Prince Charles est un authentique gourmet; on pouvait discuter pendant des heures sur les nouveaux légumes et herbes à utiliser. Malgré ses engagements, il trouvait toujours du temps pour visiter les jardins des cuisines à Highgrove House, sa ferme bio. Je me souviens qu’il pouvait parler de basilic rouge avec les fermiers jusqu’à tard le soir. Il était assez fanatique et il adorait mes entrées. Un jour, je discutais avec lui dans la serre lorsque Mme Thatcher l’attendait à l’intérieur de la maison, très irritée : le prince avait 40 minutes de retard pour un entretien officiel. La reine mère n’était pas du tout intéressée par la gastronomie fine. Tout ce qu’elle voulait savoir, c’était que le saumon et l’agneau qui se retrouvaient sur la table venaient de ses propriétés.
Après Buckingham Palace, direction la Maison Blanche… Oui, en 1991 je suis devenu Chef de la Maison Blanche, une expérience vraiment différente. Je me rappelle que le président George Bush était très perspicace : c’était un grand connaisseur de vin, et il me demandait souvent d’expliquer les plats. Sa femme Barbara, par contre, ne pouvait pas faire la différence entre un vin prestigieux et un vin ordinaire. Après, j’ai cuisiné pour l’inauguration des Jeux Olympiques de Pékin et de Londres, représentant l’Italie, et j’ai travaillé pour deux G8 et G20. Donc je maitrise assez bien les exigences et goûts des gens du pouvoir.