Créatif, talentueux et beau joueur... Mory Sacko a été l'un des chouchous du public lors de cette 11e saison de Top Chef. Notamment formé auprès de Thierry Marx au Mandarin oriental, le jeune chef de 27 ans est venu dans l'émission pour "chercher une confirmation" qu'il allait dans la bonne direction avec sa cuisine pleine de contrastes.
Cette confirmation, il l'a obtenu des plus grands, à commencer par son chef de brigade Paul Pairet mais aussi Laurent Petit, lors d'une épreuve où le légume devenait l'élément principal de l'assiette, et le poisson un simple condiment. "Quand un chef trois étoiles comme lui vous dit que ce que vous avez fait est un intelligent, c'est un coup de boost non négligeable", nous confie-t-il.
Aujourd'hui, Mory Sacko prend son envol et ouvrira en septembre son premier restaurant, Mosuke, à Paris. Le jeune chef nous en dit plus sur ce futur écrin et revient pour nous sur sa participation à Top Chef.
D'où vient le nom de ton futur restaurant, Mosuke ?
"Mo", c'est pour mon prénom Mory, et "Suke" est un hommage à Yasuke, qui est le premier et seul Samouraï africain ayant existé au Japon. Il était esclave jusqu'à ce qu'il rencontre un seigneur qui le prenne sous son aile et l'élève au rang de samouraï. Quand j'ai appris cette histoire, je me suis dit que c'était parfait pour mon restaurant !
Mosuke proposera une carte mêlant cuisine française, africaine et japonaise. Mais pas question pour toi de parler de cuisine fusion...
J'ai horreur de ce terme (rires). Je trouve que ce mot est archi réducteur et enlève beaucoup de nuances à ce que je veux faire. Je veux que chaque culture accompagne l'autre sans la dénaturer. On n'est pas dans une logique où on va tout mélanger. Ma ligne c'est : un produit, un assaisonnement, une technique... Je peux par exemple cuisiner une sole bretonne avec un assaisonnement japonais, cuite dans une feuille de bananier ; préparer un poulet yassa comme en Afrique de l'Ouest, mais avec une volaille jaune française, des oignons de Roscoff, du riz de Camargue, et twister le tout avec un agrume japonais comme le yuzu pour apporter une nouvelle palette aromatique. Ca serait un travail au service de la recette africaine, sans la dénaturer.
La cuisine africaine est un terrain de jeu très large !
Oui et c'est ce qui rend les choses hyper excitantes ! Je suis au tout début de quelque chose qui peut être fantastique. Je suis d'origine malienne donc je connais bien la cuisine d'Afrique de l'Ouest, mais j'ai aussi beaucoup d'amis qui viennent d'Afrique centrale et mon palais connait les saveurs de ces pays. Mais chaque jour, j'en découvre un peu plus sur la cuisine de ce vaste continent... Il y a des choses intéressantes partout ! Les cuisines française, grecque et suédoise sont très différentes... En Afrique, c'est pareil. La cuisine de la Corne de l'Afrique par exemple est très végétale, naturellement métissée avec des épices qui viennent entre autres de l'Inde, celle d'Afrique du Sud ressemble plus à la cuisine européenne. Pour un chercheur de saveurs insolites comme moi, Madagascar est aussi une île géniale ! J'ai envie de découvrir toutes les cultures et les clients les découvriront en même temps que moi, avec mon oeil.
D'où vient cette passion pour la cuisine japonaise ?
Tout petit, j'adorais les mangas (j'adore toujours d'ailleurs !). Ma passion pour le Japon a commencé comme ça et à chaque fois que je me renseignais un peu plus sur la culture japonaise, je trouvais pas mal de ponts avec la culture africaine. Avec mon métier, cet intérêt s'est focalisé sur la cuisine japonaise. J'ai cherché à en savoir plus sur l'utilisation des ingrédients, les plats... Je devais aller au Japon cet été mais avec l'épisode que nous traversons, ça sera pour l'an prochain désormais. Mais à Paris on a la chance de pouvoir manger toutes les cuisines du monde sans bouger et dans l'équipe du Mandarin Oriental, il y a beaucoup de Japonais. Ca m'a permis d'acquérir beaucoup de connaissances sur les techniques.
Le confinement a repoussé l'ouverture de Mosuke. Comment as-tu mis à profit cette période ?
J'en ai profité pour affiner le projet, les plats mais aussi les prévisions financières car on sait tous que la reprise en septembre sera plus lente que prévue. J'ai aussi profité de cette période pour recharger les batteries, me reposer, lire... Quand on est restaurateur, on a peu de temps pour soi alors ça m'a fait du bien !
Que t'a apporté l'émission Top Chef ?
Quand on fait une émission comme Top Chef, ce n'est pas pour acquérir des compétences techniques. Il faut les avoir avant d'arriver. En revanche, j'ai progressé sur ma manière de penser ma cuisine. Chaque jour, on avait des grands chefs qui dégustaient nos plats et avaient beaucoup de points de comparaison et de réflexion. Avant quand je pensais au dressage par exemple, je voulais que ce soit joli. Aujourd'hui, je me demande comment poser chaque condiment pour influencer le goût de l'assiette.
Aussi, l'émission m'a donné un gros coup de boost niveau confiance en moi. Je suis arrivé avec une identité culinaire qui m'était propre même si elle doit encore être affinée, et je cherchais une confirmation que j'allais dans la bonne direction. Et visiblement c'est le cas.
As-tu un rêve professionnel sur le long terme ?
Tu m'aurais posé la question il y a trois ans, je t'aurais dit : "ouvrir mon restaurant". Si on va plus loin, je dirais que décrocher l'étoile est un objectif clairement affiché. Aussi, j'aimerais que Mosuke ne soit pas juste un restaurant à la mode. Je veux vraiment l'installer durablement dans le paysage gastronomique.
Et si on voit encore plus loin, j'aimerais un jour ouvrir un restaurant à l'étranger, mais pas avant 10 ou 15 ans.
Où ? Mosuke, 11 rue Raymond Losserand, 75014 Paris.
Ouverture en septembre 2020.