Quelques jours après la sortie du dernier Gault&Millau, FineDiningLovers a eu la chance d'échanger quelques mots avec l'un des chefs les plus en vue de Marseille : Alexandre Mazzia. Son restaurant, AM par Alexandre Mazzia, déjà auréolé d'une étoile au Guide Michelin, vient d'accueillir ses 4 Toques. Une récompense largement méritée pour ce chef bourré de talent, qui parle de son travail avec une passion débordante.
Vous venez de décrocher 4 toques au Gault&Millau. Quelle importance accordez-vous à ce genre de récompense ?
Ces récompenses sont un véritable coup de pouce. Le Gault&Millau nous a tout d'abord apporté son soutien avec une dotation qui a fait boule de neige et poussé de nombreux partenaires à investir dans l'ouverture de mon restaurant. Puis le titre de "Grand de demain" 5 mois après l'ouverture nous a donné du baume au coeur dans cette aventure. Sans oublier l'étoile Michelin 7 mois après !
Il y a aussi eu le titre "Créateur de l'année" pour les 10 ans du Omnivore World Tour. Un moment incroyable.
Nous avons également reçu le Gault&Millau d'Or en mai dernier. Ce fut une fierté pour notre équipe d'être considérée comme "un fer de lance" de notre région à l'échelle nationale.
Puis notre entrée parmi les Meilleurs restaurants d'Europe et cette nomination des 50 chefs les plus créatifs du Monde m'a laissé pantois.
Enfin, cette nouvelle sortie Gault&Millau 2017 et cette 4e Toque pour AM par Alexandre Mazzia... Je me suis retrouvé sur scène au côté des plus grands noms de la gastronomie française ! Ce fut un moment éphémère, intense, fraternel. Je repense aux années de travail et aux péripéties que j'ai pu rencontrer pendant l'ouverture... Cette reconnaissance d'une prise de risque incroyable avec des collaborateurs qui sont aujourd'hui comme des membres de ma famille est la continuité d'un travail commun. Les plus anciens comme Marc Altenburger, Hafid Groud, Julien Claude sont avec moi depuis neuf ans ! Cette récompense c'est aussi la leur, tout comme celle des plus jeunes comme Samuel Beatrix, mon maître d'hôtel présent depuis trois ans.
Aujourd'hui les gens viennent du monde entier pour nous voir et c'est incroyable. J'ai du mal à réaliser mais cela nous conforte dans notre démarche quotidienne. Toute l'équipe est heureuse et fière de cette reconnaissance, mais le fait de ne pas oublier l'exigence que cela impose permet de garder la tête sur les épaules et nous pousse à aller plus loin. C'est important de prendre le temps d'apprécier les récompenses et surtout, de le faire tous ensemble !
Pourriez-vous nous en dire plus sur la cuisine de votre restaurant AM par Alexandre Mazzia, ouvert il y a un peu plus de deux ans ?
Ce sont les clients habitués qui nous donnent en premier lieu les retours et leurs ressentis. Comme je dis toujours "ma cuisine d'aujourd'hui n'est plus celle d'hier et sera encore différente demain". Elle évolue avec le temps, on affine le trait. Je suis très inquiet quand nos habitués viennent et reviennent car je crains pour eux une "lassitude gustative et émotionnelle". Mais ils sont de plus en plus émerveillés et nous disent que la cuisine évolue. Ce sont des mots qui nous touchent et nous confortent.
Le retour des autres chefs compte aussi énormément. Ces dernières années, j'ai notamment eu la visite d'Emmanuel Renaut, Gerald Passedat, Pascal Barbot, Mauro Colagreco, Romain Meder, Akrame Benallal ou encore Alexandre Couillon... C'est très gratifiant !
Quelle place occupe l'environnement dans votre cuisine ?
L'environnement tient une place essentielle dans notre quotidien. Pour moi, c'est juste normal et fondamental. Après avoir essayé toute sorte de produits, nous travaillons depuis de nombreuses années avec des maraîchers et producteurs en permaculture comme Jean-Baptise Anfosso sur les terres de Bandol, Xavier Alazard, notre producteur d'huile d'olive de la Vallée des Baux, ou Greg Philipp le créateur et fondateur du Jardin de Michel Bras.
Nous travaillons également avec quelques pêcheurs à la palangre ou à la ligne, comme Michel Et, pêcheur de Bonite. Nous avons même un espace dédié à nos plantations... Un an avant l'ouverture du restaurant nous avions déjà anticipé les besoins et les nombreuses variétés. Malgré la surface de notre établissement nous avons un composte que Jean-Baptiste récupère chaque vendredi et mardi.
Travailler en direct est vital sans compter la découverte de notre territoire.
Quel souvenir gardez-vous de vos différentes expériences dans des maisons de prestige telles que Fauchon ou Santi Santalaria ?
Fauchon fut une expérience superbe. C'est une maison incroyable où j'ai travaillé à tous les postes. Je partageais mon temps entre le traiteur du chef Clément et la pâtisserie où officiait Pierre Hermé. Et l’après-midi, je devais faire les blinis pour la boutique. C'était une belle expérience avec des souvenirs de fêtes de Noël incroyable.
L'expérience espagnole chez Santi Santamaria fut pour moi une nouvelle façon de travailler les produits, avec une approche novatrice. Nous étions 25 en cuisine. Cela m'a fais un choc quand j'ai appris son décès en 2011.
Quel est votre plat marseillais préféré ?
Je n'ai pas réellement de plat marseillais préféré. Comme mon grand-père était pêcheur sur l'Ile de Ré, je garde des souvenirs impérissables de retour de pêche ou de plats préparés. Je me souviendrai toujours de cette fameuse soupe de poisson, de sa structure et sa densité.
Et votre pêché mignon ?
Je suis un homme du matin, pas du soir. Donc je me lève souvent à l'aube. J'aime partager le café du matin avec une belle viennoiserie et une menthe à l'eau, c'est simple mais qu'est ce que j'aime ce moment avant de commencer ma journée !
Y'a-t-il un projet fou que vous aimeriez réaliser un jour dans votre vie ?
Je suis une personne qui préfère réaliser avec ambition plutôt que de rêver. Le plus important pour moi c'est mon restaurant et l'humain. L'humain est le poumon du restaurant. En ce qui concerne les projets, j'ai eu de nombreuses propositions d'ouverture ou de créations de restaurants que j'ai refusé. Mon restaurant est mon lieu de vie. Il est essentiel dans ma vie et je me dois de le protéger et de faire attention. Il est important de prendre du recul et de ne pas s'embraser. J'ai la chance de pouvoir échanger souvent avec des amis chefs comme Jean-Luc Rabanel, David Toutain ou encore Gilles Goujon qui ont toujours une oreille attentive et de sages conseils .
Avez-vous des projets en cours/dans un futur proche dont vous aimeriez nous parler ?
Un jour mon frère Jean-Laurent, qui a travaillé pendant plus de 15 ans dans un grand groupe hôtelier comme directeur d'exploitation au niveau mondial, m'a demandé de quelle manière je voyais le bar à tapas, la brasserie et la rôtisserie aujourd'hui. Je lui ai expliqué et à la fin de la conversation il m'a dit : "Tu veux m'aider à le faire ?". Il a tout arrêté pour réaliser ce projet que nous avons pensé depuis 2014 et qui verra le jour la première semaine de janvier 2017 a Aix-en-Provence, Place des Tanneurs. En cuisine, cela permettra à "des anciens" de mon équipe de se réaliser avec une trame bien définie. Sans oublier mes producteurs, maraîchers et pêcheurs. Ce sera un lieu transversal, contemporain... Un bar à mets avec en point d'honneur la cuisine classico-contemporaine.
Où ? AM par Alexandre Mazzia, 9 rue François Rocca, Marseille.