Les sucreries sont de retour et la grande pâtisserie française a le vent en poupe. Les chefs pâtissiers français sont désormais reconnus au même titre que les grands chefs étoilés ; en Italie ils s'associent avec la mode haut de gamme, et les Anglais tombent sous le charme. La dépression en est probablement la cause.
La tendance est officielle en France, ce qui est normal pour la France qui ne serait pas ce qu'elle est sans sa pâtisserie. Les choses ont changé ces deux dernières années et les chefs pâtissiers ne se sentent plus aussi intimidés face aux chefs «salés». La devise est «l'innovation créative» : des saveurs audacieuses, des formes intéressantes et un emballage visuellement attractif. Pierre Hermé, numéro un sur la liste de Paris, est connu pour ses macarons que vous pouvez couper d'un seul coup et ses macarons de foie gras ; le Japonais Sadaharu Aoki pour son minimalisme ; Christophe Adam pour son éclair au popcorn caramélisé ; Ladurée pour ses couleurs pop ; Carl Marletti pour son style cabaret Paradiso Latino. La liste est longue. Leurs ouvrages sont vendus dans toutes les librairies. Ils cuisinent et participent à des shows télévisés : Gâteau de mes rêves où des chefs pâtissiers se rendent chez des particuliers comme des mamies ou Qui sera le prochain chef pâtissier ? Ils ouvrent aussi des commerces (cinq nouveaux commerces de luxe ont été ouverts à Paris seulement l'automne dernier). Des kiosques de «Mets sucrés» comme «Choux d’enfer» (un partenariat entre le chef Alain Ducasse et le chef pâtissier Christophe Michalak ont ouvert dans le 15e arrondissement au mois de janvier dernier. De même, on citera “Chou-DS”, “Chou-colat croustillant” et l'éphémère bar-à-choux ouvert le temps d'un printemps par le chef pâtissier Philippe Conticini.
Cette tendance n'est pas seulement française, d'autre pays européens, comme l'Italie et la Grande-Bretagne, proposent aussi les pâtisseries haut de gamme comme alternative à la pompeuse gastronomie. C'est bien connu : les sucreries ont toujours été un «aliment réconfortant». Alors que le monde traverse une crise financière globale, les sucreries peuvent apporter aux gens ce qu'ils recherchent à un prix réconfortant. Les desserts ont toujours été un symbole de plaisir pur. Existe-t-il quelque chose de plus luxueux que le pur plaisir ? Les pâtisseries de marque sont le petit luxe dont vous avez besoin en temps de crise, le sucre glace bien mérité aux nuances framboise.
Ce n'est pas seulement une question de demande, face à la dépression les marques et les entreprises sont concernées autant que leurs clients. Le secteur du luxe italien, notamment la haute couture, est désormais intégré dans un panettone. L'année passée, des sucreries comme le panettone, le pandoro, le chocolat et autres sucreries traditionnelles ont augmenté leurs chiffres d'affaires de 14 %. Les touristes de retour à Hong Kong ou Dubaï les emballent sans problème dans leurs bagages sur des vêtements de haute couture, et Prada vient de racheter la pâtisserie milanaise historique Marchesi après avoir récemment ouvert chez Harrod’s; Cova (un autre établissement historique milanais) a été racheté par LVMH, holding française d'ultra luxe, avec Louis Vuitton, Dior, Guerlain et Veuve Cliquot à son actif. La Haute Pâtisserie et la Haute Couture s'unissent, les entreprises veulent investir dans d'autres produits que la mode, les chefs d'entreprise passent de la mode à la gastronomie grâce à des chaînes de distribution éprouvées. Giorgio Armani, en collaboration avec le chocolatier Venchi, a créé une ligne de pâtisseries ;Roberto Cavalli vend des pralines. C'est une nouvelle Dolce Vita à la portée de tous, mais pas pour tout le monde.
Finalement ce n'est pas que la haute pâtisserie française qui est à la mode !