A son ouverture en 2020, Tamara se présentait comme un « neo-bistrot » proposant la cuisine pointue, zéro déchet et étique du chef Clément Vergeat, accompagnée de vins d’exception. Sélectionné pour la phase finale française du concours S.Pellegrino Young Chef Academy 2022-23, l'ex-Top Chef 2018 était passé par des cuisines d’exception en France (Guy Savoy, Alliance, Copenhague), au Danemark et en Hollande, avant d’ouvrir sa première table parisienne. En deux ans, beaucoup de choses ont changé.
Les moments de fermeture et réflexion imposés par la pandémie ont engendré une véritable remise en question et, avec l’accord de la propriétaire du groupe Andreea Barroca, le restaurant a évolué vers une offre décidément gastronomique, afin de laisser libre expression à la créativité et à l’expertise du chef. Sa cuisine reste inventive, locale et de saison, à l’approche zéro déchet. Mais Clément Vergeat pousse plus loin son défi culinaire, en puisant dans les potentialités des techniques qu’il maitrise à la perfection, comme le fumage, la fermentation et la salaison.
Photo : ©Geraldine Martens
Bocaux et quilles, dans le ventre de Tamara
Notre découverte de Tamara commence au sous-sol. Nous descendons les escaliers avec l’impression d’entrer dans le « ventre » du restaurant, là où certains des ingrédients qui composent les plats de Clément Vergeat voient le jour, dans le laboratoire de fermentation. Les voilà, les uns à côté des autres, ces bocaux magiques qui contiennent pickles et boissons, vivants et pleins de potentialités culinaires.
Ici, se situe également la petite cave du restaurant, où les clients ont la possibilité de descendre pour choisir parmi les quilles dont le prix est indiqué comme chez un caviste. La sélection de crus est majoritairement française, nature ou biodynamique – à quelques exceptions près – et change en fonction des évolutions de la carte des mets.
Photo : ©Geraldine Martens
4 05 : un menu en 9 actes
Attablés dans la salle à la déco brute et épurée, nous accordons notre confiance au chef et à son menu dégustation à l’aveugle, appelé 4 05 et né au mois de mai dernier. Clément nous explique qu’il a voulu concevoir l’expérience gastronomique de Tamara comme une suite d’« étapes »: le concept même de menu dégustation est déstructuré. Chacun des plats possède une identité gustative et conceptuelle à part entière, dans un enchaînement de saveurs et consistances qui surprend souvent les convives, en mêlant mer et terre.
Le menu dégustation s’avère être en neuf étapes, savamment guidées par les explications de Félix Bognard, responsable du salle attentionné et passionné, toujours prêt à raconter les histoires qui se cachent derrière les plats et les breuvages associés.
Photo : ©Geraldine Martens
La maison propose désormais un accord mets-boissons sans alcool, expérience gustative (encore) rare à Paris, mais très répandue dans les pays nordiques. Nous nous laissons tenter par cette option, pour nous inédite. Des kefirs aux kombuchas, ça fermente dans les verres comme dans les assiettes ! A notre humble avis, ce menu mérite d’être découvert personnellement, nous n’allons donc pas vous en dévoiler toutes les saveurs.
Voici cependant quelques impressions qui restent. Le kombucha au the noir et sucre de poire qui accompagne la tartelette au brocolis, marmelade au jaune d’œuf, citron caviar et pousses de coriandre. La tielle, un condensé de saveurs du sud en version revisitée au crabe, fenouil fermenté, gelée de vin blanc, servie avec un aïoli aux graines pilés et un surprenant Pastis sans alcool, une infusion de badiane fermentée maison. La cohérence gustative de la lotte, laquée à la pâte d’abats de volaille brûlée, servie dans un beurre blanc à la baie d’arbousier et une émulsion au fromage fumé. Pour l’accompagner, un ayran fumé, boisson lactée composée de yaourt, de sel et d’eau typique des pays du Moyen-Orient.
Photo : ©Elide Achille
L’un des plats qui, à notre avis, montre le plus la cohérence du travail du chef est le Mais fermenté, foie de lotte, pickels d’oignons au gingembre, ciboulette, bouillon de volaille : assiette 100% anti-gaspillage, dont le goût corsé et la pointe d’amertume divisent... on adore ou on déteste.
A mi chemin entre un buffet traditionnel et un tea time gourmand, les desserts sont accompagnés d’un thé blanc aux fruits rouges déshydratés, dont l’accord joue étonnamment sur des notes d’amertume. Notre coup de cœur : l’incroyable granité de feuilles de figuier qui garnit une crème crue au citron dans laquelle sont plongées des mûres fraiches.
Tout en n’ayant pas touché d’alcool tout au long du repas, une sorte d’ivresse nous saisit. C’est peut-être à cause de cette « fermentation » qui anime les mets et les accords, ou de la cuisine de Clément Vergeat où saveurs et textures, contrastes et équilibres sont vivants et surprenants. Tamara, désormais une étape obligée à Paris, ne tardera sans doute pas à décrocher sa première étoile au Guide Rouge.
Bon à savoir : l’offre bistronomique de Tamara s’est désormais installée chez Nellu, cave à manger et seconde adresse du groupe ayant ouvert ses portes en mai 2022, à la carte signée par Clément Vergeat en collaboration avec l’ex second de Tamara, Olivier Garcia [on vous en dit plus par ici].
Où ? Tamara, 15 Rue de Richelieu, 75001 Paris