Christophe Hay : Cuisiner la Loire

Apprendre à lire le fleuve

Derrière cette passion, une rigueur presque scientifique. Christophe Hay travaille depuis des années avec Sylvain Arnoult, pêcheur professionnel qui exploite 25 kilomètres de berges. Ensemble, ils ont appris à “lire” la Loire : connaître les zones de passage, respecter les périodes de reproduction, ajuster les mailles des filets pour ne prélever que certaines espèces, faire tourner les pêches pour préserver les populations.

“Ce que je voulais, c’était valoriser tous les poissons du fleuve, pas seulement la carpe ou le brochet. Le gardon, le goujon, le silure, la brème… chacun a sa place dans ma cuisine”, martèle-t-il.

Précurseur, dès 2014, dans la revalorisation des poissons d’eau douce, le chef revendique aujourd’hui une cuisine de terroir aquatique, sensible et exigeante. À ses yeux, ces poissons méritent la même attention que les nobles espèces marines. “Le silure, par exemple, on le trouve “moche” ; mais sa peau, sans écaille, est d’une douceur incroyable, comme un camouflage. Et sa chair ! Fine, délicate, avec des joues extraordinaires à travailler”, assure Christophe Hay.

Une carte au fil de l’eau

Chez Fleur de Loire, le fleuve s’invite à chaque plat. En amuse-bouche, une friture de gardons, clin d’œil d’enfance. Puis viennent le tarama de brochet, le mulet de Loire en vapeur d’algues, navet blanc et dashi ligérien. Et bien sûr, la carpe à la Chambord, plat signature, aujourd’hui dans sa sixième version : carpe du fleuve, truffes issues de sa propre truffière, écrevisses et sauce au vin de Cheverny. Une ode à la Loire et à son territoire. “La carpe, on en trouve en abondance, et c’est une chair incroyable à travailler.”

Le chef aime venir en salle, présenter lui-même ces poissons souvent méconnus, raconter leur histoire, leur saison. Car ici aussi, il y a des saisons : “Comme pour les fruits et légumes, il y a des périodes de pêche et de fermeture. On s’adapte, on suit le rythme du fleuve.”

Douceur ligérienne

Contrairement aux poissons de mer, ceux de Loire sont d’une douceur singulière. Peu d’iode, des chairs fines, parfois presque translucides. “Sauf quelques migrateurs comme le mulet, la lamproie ou l’alose, qui apportent cette petite touche marine. Mais la base, c’est la douceur. Et quand on vient à Blois, on ne cherche pas le bar ou le turbot : on vient pour découvrir autre chose.”

Cette curiosité, Christophe Hay l’encourage. Par des préparations modernes - fumées, séchées, crues, ou même en charcuterie de poisson - il prouve que la cuisine d’eau douce n’a rien à envier à celle de la mer. Seule retenue pour le chef : la maturation, qu’il laisse volontiers à d’autres confrères, préférant la fraîcheur d’un poisson tout juste pêché.