C'est avec un dessert à la figue et à la mûre, servi au sein du somptueux hôtel George V à Paris, que Simone Zanoni nous accueille, tout sourire.
Le chef italien, arrivé au restaurant Le George il y a seulement quelques semaines, y semble déjà aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau. « C'est une maison atypique où l'on trouve une très belle qualité dans l'assiette sans le côté trop formel d'un restaurant étoilé », assure-t-il d'emblée. « Et le mieux, c'est qu'il n'y a pas de concurrence avec les autres restaurants » ajoute Simone Zanoni, en référence au Cinq de Christian Le Squer et à l'Orangerie de David Bizet.
Mais alors, qu'est-ce que Le George a de si différent ? Quelle cuisine peut-on y trouver et quel message le chef a-t-il envie de nous faire passer ? FineDiningLovers a eu la chance de discuter avec Simone Zanoni, un chef aussi passionné qu'investi dans ce nouveau projet.
Tortelli Ricotta, menthe, citron. Crédit : Four Seasons Hotel George V
Quelle touche personnelle avez-vous apporté à la carte du George ? Depuis son ouverture il y a un an, Le George proposait une cuisine méditerranéenne. Et un restaurant, c'est comme une voiture de course : si elle marche déjà bien, on ne va pas changer toutes les pièces juste parce qu'il y a un nouveau pilote. Comme je suis Italien, j'accentue la touche italienne mais une partie de la carte va rester. Il y a beaucoup de clients qui viennent pour goûter aux plats signatures donc on ne va pas les retirer.
En revanche, je vais bientôt créer un menu de saison, qui changera au fil des mois. Là on entre dans la meilleure période de l'année avec l'arrivée des figues, des champignons, des légumes oubliés... Ce menu sera idéal pour les habitués qui viennent presque 4 fois par semaine et ont vite fait le tour de la carte.
Votre ambition est-elle de décrocher une voire deux étoiles dès l'année prochaine ? En effet, je pense que toute l'équipe vise les deux étoiles. Ce qu'on souhaiterait vraiment, c'est casser les codes et prouver que dans un lieu magnifique, on peut avoir deux étoiles dans l'assiette tout en gardant un côté informel en salle. Ici, les gens viennent habillés comme ils le souhaitent, nos serveurs sont détendus, je sors souvent en salle discuter avec les clients et généralement, ils sont étonnés de trouver un concept comme celui-ci dans un hôtel de ce standing.
Quel effet ça vous a fait de quitter le groupe Gordon Ramsay après 12 ans ? Au bout de huit ans au Trianon, j'avais peur de m'installer dans la routine. Je souhaitais donner du peps à ma carrière et j'ai fait la rencontre de José Silva, le directeur du George V. Je marche beaucoup au feeling et on s'est tout de suite bien entendu. Je pense vraiment qu'avant de choisir un métier, il faut choisir son patron. José Silva n'est pas seulement quelqu'un qui parle bien. Depuis son arrivée à la tête de l'hôtel, les résultats sont très bons. Il a tout redynamisé et relancé la communication du George V. Alors je me suis dit que c'était le bon moment et qu'intégrer Le George serait sûrement une très belle aventure.
En plus, ça fait un moment que je voulais m'installer à Paris car c'est ici que beaucoup de choses se passent au niveau de la gastronomie.
Salle du George. Crédit : Grégoire Gardette.
Justement, pourquoi avoir privilégié une carrière internationale plutôt qu'un parcours dans votre pays natal, l'Italie ? Quand j'avais 18 ans, je travaillais du côté du Lac de Garde en Italie. L'été, la majorité des clients étaient étrangers et j'avais une grosse lacune : je ne parlais pas anglais. Alors j'ai décidé d'aller au Royaume-Uni. Je voulais y passer maximum deux ans et finalement, j'y suis resté 10 ans. En arrivant, je n'étais personne, j'ai commencé à travailler à la plonge dans le restaurant de Gordon Ramsay mais j'ai senti que c'était un endroit où je pouvais m'épanouir et évoluer, alors je me suis accroché au train. Je faisais 90 heures par semaines mais j'ai beaucoup appris auprès de lui et 7 ans plus tard, j'étais devenu le chef de son 3 étoiles. Alors quand il m'a proposé de venir au Trianon, à Versailles, j'ai évidemment accepté.
Revenir un jour en Italie fait-il partie de vos projets ? J'y retourne au moins deux fois par an pour les vacances. C'est un pays que j'adore, où j'ai toute ma famille, mais maintenant je suis habitué à travailler dans les grandes villes. Je ne me vois pas retourner chez moi, où les affaires ne marchent qu'en été. Disons qu'à Paris, j'ai trouvé le bon compromis entre Londres, une ville hyper speed et qui te consomme, et l'Italie, encore un peu fermée en terme de gastronomie. Ici, j'ai une très belle qualité de vie donc je ne m'imagine pas bouger pour le moment.
Quelle saveur/quel plat a le plus marqué votre enfance ? J'ai grandi dans une ferme où l'on ne se demandait pas ce qu'était le bio, car tout l'était ! Mon enfance a été marquée par toutes ces bêtes qu'on avait à la maison : des lapins, des poules, des cochons, des vaches... L'un de mes plus beaux souvenirs ce sont les dimanches où toute ma famille se réunissait autour d'un bon repas. Quand t'es petit, tu trouves ça chiant ! Mais avec le recul, tu te dis « quel bonheur ! ». Et je me souviens qu'à l'époque, ma grand-mère me demandait de l'aider à faire ses fameux tortellini au beurre de sauge et au parmesan. Un délice !
Je me souviens aussi de tous ces étés passés avec mon grand-père. Entre 4 et 7 ans, je partais un mois par an avec lui dans les montagnes pour emmener ses bêtes. Je les sortais, on allait chercher des champignons, on faisait du fromage avec le lait. Je m'éclatais comme un dingue ! C'était vraiment des super moments !
Votre histoire familiale a donc contribué à votre envie de devenir chef ? Tout à fait. Vous savez pour moi, un chef c'est comme un bon vin. Quand il est jeune, il est « agressif », un peu compliqué, mais en vieillissant, il s'arrondit. C'est exactement ce que j'ai fait. Plus j'avance et plus je reviens aux souvenirs de mon enfance. Ces petits parfums, ces souvenirs cachés reviennent peu à peu et je me dirige vers des choses plus simples mais très fines. Quand il y a une histoire derrière, le plat prend une autre dimension !
Pomme semi-confite au gingembre. Crédit : Four Seasons Hotel George V
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait se lancer dans le métier ? Je pourrais donner énormément de conseils mais pour moi le plus important serait de bien choisir ses étapes. La carrière d'un chef peut se faire ou se défaire entre 20 et 25 ans, alors il faut choisir attentivement son maître. Un jeune cuisinier n'est que le reflet de la personne avec qui il travaille alors c'est très important en entretien de challenger son chef potentiel en lui demandant ce qu'il a à nous apporter car on lui confie notre carrière. C'est un échange !
Ensuite, je conseillerais à un jeune de faire ses preuves au sein d'une même maison. Je ne comprends pas ces gens qui changent de boîte tous les 6 mois pour cumuler de jolis noms sur un CV, car à chaque changement ils repartent à zéro. Moi, au Trianon, j'ai eu des jeunes qui sont arrivés à l'âge de 17 ans en tant qu'apprenti et qui sont devenus sous-chefs à 24 ans.
Inversement, on pourrait dire que c'est important pour un chef de bien choisir ses commis et sous-chefs ? Tout à fait. Quand je suis en congé, je dois sentir que je peux avoir totalement confiance en mon équipe pour partir l'esprit libre. Certes, la décoration du restaurant ne va pas changer en mon absence, les fauteuils resteront les mêmes... Mais les clients ne viennent pas ici pour manger un fauteuil (rires) ! Alors je dois être sûr qu'en mon absence, tout se passera bien.
Et c'est pareil pour le personnel de salle. Je ne devrais pas dire ça mais aujourd'hui, je pense que le service compte plus que la restauration en soi. Si vous allez dans un super restaurant mais que le service est désagréable, vous n'y retournerez pas. Alors qu'un restaurant où la nourriture est bonne, sans plus, mais où le personnel fait tout pour vous, vous allez vous sentir bien et aurez envie de revenir. Ce n'est pas évident de venir tous les jours motivé et souriant alors c'est aussi à moi de casser ce clivage entre la salle et la cuisine pour que tout le monde se sente bien et que le client le ressente.
Avez-vous d'autres projets en cours dont vous aimeriez nous parler ? Idéalement, l'année prochaine, j'aimerais faire un livre sur ma passion pour la cuisine italienne. Mais en attendant, je me consacre à 100% au restaurant. Je viens d'arriver, c'est un défi très important, je veux développer la carte, m'inprégner de l'endroit... Je veux participer à cette belle histoire tout en gardant du temps pour moi à côté. J'ai deux enfants, ma famille m'occupe beaucoup, j'adore les voitures et j'essaye de faire le plus de compétitions possible. Alors chaque chose en son temps.
Où ? Le George, Four Seasons Hotel George V, 31 avenue George V, 8e arrondissement de Paris. Web