Sorry, you need to enable JavaScript to visit this website.
sébastien vauxion

Fou d'images

Comment intégrer les légumes en pâtisserie ?

À Courchevel, au cœur du palace Le K2, je signe la carte du Sarkara, un restaurant unique au monde : il est entièrement consacré à la pâtisserie gastronomique, et doublement étoilé au Guide Michelin. Ici, le dessert devient un plat à part entière, parfois construit… autour de légumes.
Ancien de chez Pierre Hermé et du groupe Savoy, j’ai voulu créer un lieu où le sucré s’émancipe, où la technique de la pâtisserie rencontre la sensibilité du cuisinier.

Fils de maraîcher, j’ai grandi au milieu des potagers, entouré d’odeurs de terre, de feuillage et de soleil. Ce lien intime avec le végétal guide chacun de mes desserts. Les légumes y trouvent naturellement leur place, non pas comme une provocation, mais comme une évidence. Voici mes conseils pour les intégrer avec justesse, originalité et gourmandise.

1. Pourquoi les légumes ont leur place en pâtisserie

Je suis littéralement né dans les légumes. En travaillant auprès des cuisiniers, j’ai observé leur manière de les transformer : crus, confits, rôtis, fermentés… Cela m’a donné envie de les faire entrer dans l’univers sucré.
Le légume apporte une palette aromatique que le fruit ne possède pas toujours : une douceur discrète, des notes herbacées, parfois salines, une texture croquante ou fondante. Tout cela enrichit la création.
Un exemple ? Un poivron confit au sucre, relevé de safran, de vanille et de citron : c’est d’une subtilité incroyable. Le légume devient alors un terrain d’exploration sensorielle, une matière vivante à écouter et à sublimer.

2. Quels légumes choisir pour commencer

Le choix du légume est crucial. Certains se prêtent plus naturellement à la pâtisserie : carotte, betterave, patate douce, fenouil… tous possèdent une douceur ou une texture qui se marie bien au sucre.
Pour débuter, je conseille de travailler en pleine saison estivale, quand les légumes sont à leur apogée. J’aime glisser du concombre finement tranché dans une tarte au citron : il apporte du croquant et une fraîcheur inattendue. Ou encore, une tomate cerise mûre, pochée dans une huile d’olive vanillée, posée sur une panna cotta : une bouchée d’élégance pure.
Mais surtout, je dis toujours : allez voir les producteurs. Discutez, goûtez, laissez-vous inspirer par leur passion. Un légume raconté par celui qui le cultive, c’est déjà une idée de dessert qui germe.

Cerfeuil tubéreux

Vous voulez essayer le légume en dessert ? Sébastien Vauxion dévoile sa recette au cerfeuil tubéreux.

3. Quelles méthodes de cuisson pour sublimer un légume en sucré ?

La cuisson est capitale. En pâtisserie, je bannis la friture, qui évoque immédiatement le salé. À la place, je privilégie les cuissons qui révèlent la douceur naturelle du légume : rôtir, confire, glacer, ou parfois le servir cru, râpé, mariné.
Ce que je recherche, c’est le fondant, le crémeux, le croquant — ces textures qui racontent une émotion.
J’aime par exemple confire le fenouil, puis le marier à la framboise : l’anis du légume dialogue avec l’acidité du fruit, c’est d’une justesse incroyable. Ou encore, travailler le navet dans une tatin posée sur une crème d’amande et un feuilletage caramélisé. Ce n’était pas gagné, mais le résultat m’a surpris moi-même : un dessert végétal, élégant, déroutant — et délicieux.

4. Comment assaisonner un dessert aux légumes

Équilibrer un dessert autour du légume, c’est un travail d’équilibriste. Il faut du sucre, bien sûr, mais juste ce qu’il faut pour soutenir le goût du légume, sans jamais l’écraser.
Pour cela, j’aime jouer avec plusieurs familles d’arômes :

  • Les épices, d’abord : vanille, cannelle, clou de girofle, ou même certains poivres rares, qui apportent de la chaleur et de la complexité.
  • Les plantes, ensuite : persil, menthe, livèche, capucine… que j’infuse pour en tirer des notes fraîches et aromatiques.
  • Les alcools, quand ils sont bien choisis : pocher un légume dans un joli vin blanc, ou une bière légère, donne des résultats sublimes.
  • Enfin, les produits laitiers : ils apportent de l’onctuosité et de la douceur. J’aime mixer une mozzarella avec un peu de lait pour en faire une écume légère, parfaite avec certains légumes comme la carotte ou le céleri.

Tout est question de nuances. En pâtisserie végétale, le sucre devient un liant, pas une domination.

5. Les légumes à éviter (ou à manier avec prudence)

Tous les légumes ne se prêtent pas à l’univers du sucré. Certains sont trop puissants, trop marqués par le salé. L’oignon, la cébette, le poireau ou l’ail, par exemple, sont des produits que je réserve à la cuisine, pas à la pâtisserie. Quand on débute, mieux vaut les éviter.
Je me méfie aussi de la friture ou des cuissons trop colorées : une pomme de terre frite, un légume trop caramélisé, ramènent immédiatement le palais vers le salé. En dessert, il faut savoir adoucir, lisser les aspérités, trouver la juste mesure.
La pâtisserie aux légumes, c’est une question d’équilibre et de respect : celui du produit, du geste, et de la surprise qu’on veut provoquer.

Céleri travaillé

Pour aller plus loin dans votre démarche, Sébastien Vauxion vous propose sa recette de céleri à travailler en dessert pour toujours plus de gourmandise.

6. Texture et surprises : oser les associations inédites

Je dis souvent à mes équipes : il faut rester curieux. Même les légumes qu’on n’attend pas peuvent devenir de véritables révélations. Le navet, le cerfeuil tubéreux, la pomme de terre… ce sont des merveilles, à condition de prendre le temps de les écouter, de comprendre leur texture, leur parfum, leur caractère.

Je me souviens d’une assiette qui m’a particulièrement marqué : une purée de pommes de terre tamisée, surmontée de zeste de main de Bouddha, d’un sorbet citron-persil et d’une tombée d’échalotes confites. Une construction sucrée, acidulée, herbacée, entièrement végétale. L’équilibre parfait entre douceur, fraîcheur et profondeur.

Légumes + fruits : une alchimie gagnante

Souvent, le légume révèle tout son potentiel lorsqu’il dialogue avec un fruit. C’est une alchimie subtile, mais magique. J’aime une salade de fraises râpée de fenouil cru, un concassé de tomate et de fraise relevé d’un trait de citron, ou encore une betterave confite au cassis.
Ces mariages surprennent, mais ils fonctionnent, car ils reposent sur une même logique : celle de la naturalité et de la vibration du goût.

Je ne fais pas des desserts aux légumes. Je fais une pâtisserie végétale, dans laquelle le légume devient une matière première noble, au même titre qu’un grand chocolat ou une vanille d’exception. Pour moi, c’est une évidence : la nature nous offre tout.

Mon mot d’ordre ? Oser, mais respecter.
Respecter le produit, sa saison, sa texture, sa nature. Parce qu’au fond, on peut faire simple, beau, bon - et végétal. Et surtout, on peut surprendre, toujours.

Become a member
Inscrivez-vous et obtenez un accès illimité au meilleur de Fine Dining Lovers
Débloquez tous nos articles
Continuez votre lecture et accédez à toutes nos histoires exclusives en vous inscrivant dès maintenant.

Déjà membre ? CONNECTEZ-VOUS