La semaine dernière a été riche en émotions pour Mauro Colagreco. Le chef, Argentin de naissance et Français d'adoption, a vu son restaurant le Mirazur - situé à Menton - propulsé à la troisième place du classement The World's 50 Best Restaurants, dévoilé le 19 juin dernier à Bilbao.
"Cette cérémonie, c'est comme les Oscar de la restauration", assure Mauro Colagreco. "On part du n°50 et on découvre peu à peu les meilleurs, c'est beaucoup de pression car on apprend notre position sur le moment. On était 4e l'an dernier mais on sait que les places bougent beaucoup d'une année sur l'autre alors arriver dans les 15 premiers aurait déjà été super. Mais quand on s'est rendu compte qu'on était dans le top 3, on n'y croyait pas... C'était extraordinaire ! On était tellement contents !", nous raconte le chef, ancien disciple d'Alain Passard à L'Arpège et détenteur de deux étoiles au Guide Michelin.
Fine Dining Lovers a souhaité en savoir plus sur le ressenti de Mauro Colagreco quelques jours après cette grande annonce, mais également sur ses derniers projets.
Vous étiez 4e des World's 50 Best l'an passé et 3e cette année. Selon vous, qu'est-ce qui vous a permis de gravir une marche de plus ? Je pense qu'on a simplement eu plus de votes. De nouvelles personnes sont venues découvrir notre restaurant, d'autres qui étaient déjà venues ont de nouveau voté pour nous... Je ne pense pas qu'on ait changé quoi que ce soit, même si on essaye toujours de faire mieux, de tenter de nouvelles choses. On a fait quelques travaux au restaurant mais c'était surtout pour mieux accueillir nos clients.
Salle du Mirazur. Crédit : Mariano Caffé
La première place est un objectif ? Plus on s'en rapproche, plus on se dit qu'un jour on pourrait être premier. Mais ce n'est pas un objectif. Aujourd'hui l'essentiel est de profiter de la situation car c'est déjà énorme. Être premier ne doit pas être un objectif car ce qui compte, c'est que les clients soient ravis, aient une expérience unique, qu'il repartent pleins d'émotions. Les différents classements, les étoiles, c'est comme une récompense pour notre travail mais il ne faut pas que ces récompenses deviennent le but principal.
Au début de votre carrière, vous imaginiez-vous aller aussi loin ? Non pas du tout. Nous sommes arrivés beaucoup plus loin que ce que nous avions imaginé ou rêvé.
Calamari et Bagna Cauda. Crédit : Eduardo Torres
Vous utilisez toujours le "nous" et non pas le "je". Ces récompenses sont donc le fruit d'un travail d'équipe selon vous... Bien sûr ! Ces récompenses sont tombées grâce à tout le monde : mes équipes, mais aussi ma femme Julia qui travaille avec moi. On passe plus de temps au restaurant que chez nous alors à force, ça devient notre famille.
Vous venez de sortir votre premier livre, Mirazur. Pouvez-vous nous en dire plus ? J'avais depuis quelques années pas mal de demandes de différents éditeurs mais je ne me sentais pas prêt. Pour beaucoup, sortir un livre est un élément de marketing, parfois sans trop de consistance. J'ai attendu les 10 ans du Mirazur pour avoir quelque chose à raconter. On avait bouclé un cycle et le livre raconte la vie du restaurant, notre philosophie de cuisine. C'est un livre assez littéraire, il y a beaucoup de textes mais aussi de très belles photos réalisées par mon ami Eduardo Torres. On essaye de transmettre l'univers du Mirazur à travers ce livre avec de beaux paysages, des artisans, des producteurs, nos équipes... Il y a aussi différentes textures de papier, des transparences, pour donner beaucoup de matière à l'ouvrage. Je suis très content du résultat.
En avril dernier vous avez ouvert un restaurant, L'Estivale, au sein de l'aéroport de Nice. Pourquoi avoir accepté ce challenge ? C'était effectivement un vrai défi, et ce pour plusieurs raisons. La première est que les gens sont généralement pressés dans les aéroports et n'ont pas vraiment le temps de s'arrêter manger, sauf s'ils ont raté une correspondance (rires). Il fallait réfléchir à une cuisine goûteuse, travaillée, mais servie rapidement. L'autre défi était de travailler avec des petits producteurs locaux. Les restaurants d'aéroport sont souvent dirigés par de grandes sociétés qui sont partout dans le monde et qui travaillent avec de gros groupes de l'agroalimentaire. Mais l'une de nos conditions était de pouvoir choisir nos fournisseurs. On a réussi ce défi et c'est un changement radical de la conception et de la façon de faire la restauration en aéroport. Le chef en place est l'un de mes anciens chefs, avec qui je travaille depuis six ans. L'un des points positifs est que L'Estivale est ouvert au public extérieur de l'aéroport car il est situé avant les zones de contrôle. Beaucoup de clients viennent des entreprises autour de l'aéroport.
Crédit : Anthony Lanneretonne
Qu'avez-vous pensé du parcours de l'un de vos chefs, Antonio Buono, au S.Pellegrino Young Chef ? Antonio est quelqu'un d'extraordinaire. Je connais peu de personnes qui peuvent travailler autant que lui mais surtout, il a beaucoup de talent. C'est quelqu'un de très créatif, passionné par son métier. On a un peu travaillé son plat ensemble avec Frédéric Anton et on y croyait tous ! Je pense qu'il a réalisé un très beau plat et je l'encourage à continuer dans cette démarche pour mettre en valeur son travail. Il ne faut surtout pas baisser les bras.
Avec quels chefs rêveriez-vous de préparer un dîner à 4 mains ? J'ai déjà travaillé avec beaucoup de chefs comme Alain Passard ou René Redzepi. Mais si je devais choisir des chefs avec qui je n'ai pas encore travaillé, je dirais tout d'abord Olivier Roellinger, même s'il a laissé les fourneaux à son fils Hugo depuis quelques années. J'adore son approche des choses ! Je dirais également Thomas Keller. J'ai un énorme respect pour lui.
Retrouvez la liste complète du World's 50 Best Restaurants 2018 ici.